De plus en plus, nous voyons en cabinet des petites filles « surdouées », « précoces » …Moins opposantes, moins turbulentes que les garçons « surdoués », elles manifestent leur mal-être par un effacement, voir par une absence totale – les cas de phobies scolaires sont malheureusement nombreux. Ci-dessous quelques propositions d’accompagnement de ces petites filles, puis de ces ados « hors normes » …
A la maternelle et en primaire
Une prise en charge pour des enfants de cet âge laisse entendre qu’elles ont été dépistées très tôt, souvent grâce à une maîtrise précoce du langage, de la lecture et de l’écriture dans le cas des filles. (Silverman, 1986) En moyenne, les enfants sont testés à 6 ans et 10 mois, souvent dans des familles déjà sensibilisées à la psychologie et investies dans le développement intellectuel de leur enfant dès la naissance de celui-ci. (Lignier, 2010). Cette détection rapide des filles HP est nécessaire car à partir de l’âge de 8/9 ans, la petite fille a tendance à douter d’elle-même et à ne répondre qu’aux questions où elle est sûre d’avoir la réponse, ce qui donne un pourcentage d’environ 1/3 de filles pour 2/3 de garçons HP au niveau collège.(Silverman, 1986).
A cet âge, les petites filles ont tendance à être appréciées par leurs pairs et bien intégrées (Rimm, 2003), et donc il n’est pas nécessaire d’envisager une thérapie. Cependant, les parents peuvent avoir besoin d’un accompagnement, même s’ils sont eux-mêmes HP, car le versant « intellectuel » du haut potentiel est mieux connu que le versant « émotionnel », et des groupes de paroles ou des ateliers peuvent leur permettre de mieux connaître les spécificités de leur enfant pour les aider à se développer de manière optimale sur le plan social. Ainsi, on peut expliquer aux parents les différents stages de l’amitié définis par Gross (2002) et l’avance potentielle de leur fille sur ce déroulement. Il est également important pour les parents de savoir qu’à l’école primaire, entre sept et onze ans environ, la plupart des filles HP apprécient la solitude, surtout en compagnie d’un livre. Il ne s’agit pas de la forcer à fréquenter d’autres enfants, surtout si des camarades du même niveau intellectuel ne sont pas disponibles. Il ne s’agit probablement pas d’anxiété sociale ou de rejet, mais juste d’une préférence. (Kerr, 1994) Les parents doivent donc respecter le temps de solitude de leur enfant.
Gross (2002) souligne qu’il est important également de ne pas insister pour que l’enfant – en particulier la petite fille – ait de multiples relations d’amitié. En avance sur ses pairs d’âge – environ de cinq ou six ans – la petite fille recherche avant tout une intimité et une relation sûre et profonde. S’il n’est pas possible de faire changer l’enfant de niveau scolaire, il peut être intéressant de lui faire fréquenter des activités où elle pourra rencontrer d’autres enfants plus âgés partageant les mêmes intérêts. On peut envisager de lui demander de décrire « l’ami idéal », afin de réfléchir à comment elle pourrait le ou la rencontrer. Chez les filles à haut potentiel, on observe aussi des intérêts plus « masculins » que les filles tout-venant : elles ont tendance à aimer les jeux de garçons, les activités de plein air et à inventer des jeux complexes avec leurs jouets, comme opérer une poupée par exemple ; les filles HP auraient un côté « androgyne » (Kerr, 1997). Elles ont aussi tendance à aimer jouer avec des pairs mixtes. Aux parents de leur faciliter de telles interactions.

Enfin, les parents peuvent être initiés aux notions d’hyper-sensibilité et d’intensité émotionnelle, afin de mieux accepter certains comportements de leur fille. Notamment, si l’enfant réagit de manière excessive à une contrariété ou une injustice, qu’elle fait preuve d’une timidité excessive ou se « rend malade » pour quelque chose d’anodin. (Piechowski, 1997). Cette hyper-réactivité se manifeste aussi dans les relations sociales de leur enfant – ainsi, un enfant HP peut perdre exprès à un jeu s’il sent que son adversaire attache énormément d’importance à la victoire. Ses émotions envers les autres sont intenses, ses liens d’attachement profonds et les parents doivent en être conscients.
A partir du collège
A la pré-adolescence (début du collège), les parents doivent soutenir l’adolescente HP dans son désir de devenir « comme les autres » sur le plan par exemple de la mode ou des sorties. Cependant, elle doit être encouragée à ne pas abandonner ses études et à ne pas laisser ses notes baisser (Kerr, 1997). Silverman (1995) explique que confrontée au choix entre vie sociale et performances académiques, la jeune fille HP doit pouvoir s’appuyer sur une confiance en elle-même solide. On doit aider la pré-adolescente à conserver une bonne estime d’elle-même et surtout à considérer son haut potentiel comme des forces à exploiter et non comme un handicap. La société continue à envoyer un message contradictoire aux filles, les encourageant à faire carrière, mais en véhiculant les stéréotypes féminins classiques de douceur, de soumission et de mère de famille. (Mc Cormick & Wolf, 1993) La préadolescente HP doit être encouragée à avoir une position de leader, et à faire des projets d’avenir ambitieux. Par exemple, il est important de les encourager à faire entendre leur voix et leurs idées, et à participer non seulement en cours, mais aussi aux discussions avec leurs pairs.
Les pré-adolescentes HP expriment leur besoin d’appartenir à un groupe. Pour faciliter cette appartenance, on peut leur proposer deux types d’activités. D’une part, des activités non-académiques dans lesquelles elles seront reconnues pour autre chose que leurs performances scolaires, et où elles seront « comme les autres » sans avoir besoin de minimiser leurs connaissances. (Pepperell & Rubel, 2009) D’autre part, des activités avec d’autres filles HP où cette fois elles pourront prendre confiance en elles sans avoir besoin de cacher leur potentiel, et où elles trouveront des défis motivants.
Il peut être utile de les faire participer à des activités, des ateliers, des groupes de paroles non-mixtes, dans lesquelles elles se sentiront plus à l’aise pour développer leurs idées et s’affirmer sans être jugées et évaluées par le regard des garçons. (Rakow, 1995) L’une des solutions pour que les filles à haut potentiel puisse pleinement s’épanouir dans leur scolarité, tant sur le plan scolaire que sur le plan social est de les scolariser dans des établissements non-mixtes. Aux Etats-Unis, certains établissements choisissent de créer des classes non-mixtes pour certaines matières comme les mathématiques et les sciences. (Gurian, 2008).
L’une des forces – mais aussi des faiblesses – des pré-adolescentes HP est comme nous l’avons dit précédemment l’hyper-sensibilité. Celle-ci peut s’exprimer également dans l’amitié par une intensité de sentiments souvent mal exprimée, par exemple de manière aggressive. Ces pré-adolescentes sont également souvent introverties et dans l’évitement des conflits. Il peut donc être intéressant pour elles de participer à des ateliers sur la communication inter-personnelle, en particulier sur la résolution de conflits. Lors de ces ateliers, les pré-adolescentes apprendront à exprimer ce qu’elles ressentent et ce qu’elles désirent, à comprendre les émotions qu’elles éprouvent et celles des autres et à gérer les conflits en maîtrisant leur agressivité et en communiquant leurs sentiments. Le cadre théorique de ces ateliers serait la Communication Non-Violente de Rosenberg (1980).
Un des outils pouvant être utilisé pour ces ateliers est l’écriture d’un journal intime, ces adolescentes étant souvent particulièrement à l’aide dans le domaine verbal : cette écriture permet d’exprimer les émotions et de réfléchir sur elles, mais donne également un appui pour partager ces mêmes émotions. Le psychologue animant l’atelier peut suggérer des thèmes pour l’écriture, soit des thèmes précis portant sur l’écriture du soi, soit des thèmes faisant davantage appel à la projection et à l’imagination. L’écriture permet également à la pré-adolescente de réfléchir sur son identité, et sur comment expliquer aux autres sa différence.
La famille doit être particulièrement présente à cette période, surtout lorsque la pré-adolescente se sent isolée. Les parents peuvent proposer des activités familiales, mais aussi des activités extra-scolaires avec d’autres adolescents, dans lesquelles leurs filles se sentiront valorisées dans leur différence.

Au niveau scolaire : l’ accélération
Plusieurs solutions existent en France et à l’étranger pour « accélérer » le parcours scolaire. On a notamment l’entrée précoce au Cours Préparatoire, le saut de classe, et des programmes d’accélération consistant à compiler le programme de plusieurs années en une seule. Les statistiques sur le saut de classe en France et en Allemagne sont rares, celles sur l’entrée précoce en CP montrent que sur le plan des performances scolaires, celles des enfants HP sont satisfaisantes dans ce cas de figure. (Lautrey, 2004).
De manière générale, l’aliénation sociale des enfants HP est en grande partie exacerbée lorsqu’ils sont forcés d’être en compagnie d’enfants du même âge chronologique. (Roedell, 1984). La plupart d’entre eux préfèrent la compagnie d’enfants plus âgés, d’âge mental similaire et formeront des amitiés avec ceux-ci. (O’Shea, 1960)
A l’étranger, notamment aux Etats-Unis, les études montrent que l’accélération a des effets très positifs sur la résolution du conflit entre acceptabilité sociale et capacités intellectuelles élevées. Cornell, Calahan et Loyd (1991) ont montré que des jeunes adolescentes qui arrivaient plus tôt que leur classe d’âge à l’université étaient plus indépendantes, plus résilientes et plus confiantes en elles-mêmes que leurs camarades plus âgées, mais aussi plus empathiques envers les autres. Richardson et Benbow (1990) ont étudié longitudinalement pendant 9 ans des adolescents de 12 à 14 ans au début de l’étude dont le parcours scolaire a été accéléré, et ont trouvé que les jeunes filles avaient une bonne estime d’elles-mêmes, une vision optimiste de l’avenir, et surtout que leur vie sociale avait été améliorée par cette accélération, un effet plus marqué chez les filles que chez les garçons.
Une étude de Noble et Smyth (1995) effectuée dans un programme d’entrée précoce à l’Université de Washington pour des adolescentes de moins de 14 ans a montré que les jeunes filles se sentaient majoritairement plus confiantes en elles-mêmes et étaient perçues plus positivement par leurs pairs grâce à leur entrée précoce à l’université. 67% d’entre elles avaient été stigmatisées par leurs pairs à cause de leur intelligence, et 71% avaient ressenti le besoin de cacher leurs capacités pour être acceptées, alors que la majorité d’entre elles déclaraient leur joie d’être enfin populaire à cause de leur intelligence dans le programme. L’une des participantes explique « on est avec d’autres personnes du même niveau intellectuel. C’est un grand plus, cela vous donne des opportunités sociales uniques, comme de trouver votre « alter ego », quelque chose que la plupart des étudiants HP, surtout les filles, n’ont jamais connu. »
La meilleure solution pour accélérer le programme scolaire d’un enfant HP, et en particulier d’une fille, est l’entrée précoce en maternelle : ainsi, il n’y a pas de rupture dans le parcours dû à un saut de classe, et les résultats tant sur le plan scolaire que sur le plan social sont optimaux. (Silverman, 1986).
Les psychologues voient en général la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire les enfants et les pré-adolescents qui vont mal. Une sensibilisation de la population en général, et des différents intervenants en milieu scolaire, enseignants, éducateurs et psychologues permettrait d’identifier plus tôt les enfants à haut potentiel en difficulté avec leurs pairs et donc de leur apporter une aide efficace avant que des troubles psycho-pathologiques s’instaurent. Il est important également de considérer la famille de l’enfant à haut potentiel dans son ensemble, les parents, mais aussi la fratrie.
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