Anorexie chez les enfants – pas seulement un titre choc de la presse féminine, mais un véritable problème

grandir ou « s’élargir » …

Les médias, et en particulier la presse féminine, s’emparent d’un sujet grave sur lequel les spécialistes de l’enfance se penchent déjà depuis un certain temps. Je vous livre ici quelques données cliniques sur le phénomène.

On associe souvent les troubles du comportement alimentaire, et en particulier l’anorexie, à l’adolescence des jeunes filles, puisque c’est chez les femmes entre 15 et 35 ans qu’on trouve la majorité des cas de TCA. Or ces troubles sont de plus en plus précoces, en particulier dans les sociétés occidentales. Les médecins sont confrontés à des enfants en « phase de latence » (6-12 ans) qui souffrent de TCA.

Les critères diagnostiques de l’anorexie infantile sont quasiment les mêmes chez l’enfant que chez l’adolescent, à l’exception bien sûr de l’aménorrhée présenté par les jeunes filles anorexiques pubères.

On prend donc en compte comme critères :

–         le refus de maintenir le poids au niveau du poids minimum normal pour l’âge et la taille

–         la peur intense de prendre du poids ou de devenir gros alors que le poids est inférieur à la normale

–         l’altération de la perception du poids ou de l’image de son propre corps, avec influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi et déni de la gravité de la situation.[1]

l’amaigrissement peut être plus rapide que chez les adolescents plus âgés, car le taux de masse grasse des enfants et faible et ils peuvent perdre près d’un kilo par semaine. Cependant, la perte de poids n’est pas forcément un objectif verbalisé. Les préoccupations de l’enfant tournent davantage au départ sur des maux physiques – des difficultés à avaler, des douleurs abdominales, des sensations nauséeuses. Par contre, les comportements peuvent alerter les parents : l’enfant ne veut pas acheter de vêtements plus grands, ou se regarde souvent dans la glace par exemple. Cependant, certains enfants ont la même aspiration de la minceur que les adolescents, et l’exprime alors sous une forme enfantine « je ne veux pas m’élargir ».

Chez les garçons, l’amaigrissement est plus important, même avec un IMC de départ plus élevé, et les préoccupations tournent plutôt autour de la taille et de la musculature.

Le comportement alimentaire en lui-même de ces pré-adolescents anorexique diffère de celui de leurs aînés par plusieurs points. Tout d’abord, des comportements comme la préparation de repas pour les autres membres de la famille, la lecture de livres sur la nutrition, le choix des courses sont du fait de l’âge des malades quasi inexistants. Il y a également peu de vomissements provoqués et de prise de laxatifs, du moins dans les premières années de la maladie, l’anorexie se présente surtout sous la forme restrictive.

De plus, la prise alimentaire ne se focalise pas sur la restriction calorique mais plutôt sur la restriction des quantités – facilitée à la cantine scolaire par la présence des camarades qui peuvent partager le repas – et des apports hydriques. Les apports hydriques eux-mêmes sont restreints, car l’enfant est sensible à la notion corporelle de remplissage et de lourdeur, et recherche avant tout le vide.

Comme leurs aînés, ils présentent des comportements rigides et stéréotypés, et plus le patient est jeune et plus il fait preuve de rigidité et de perfectionnisme. Une hyperactivité physique est souvent associée, en particulier dans des sports qui demandent beaucoup d’implication et qui ont une exigence d’esthétique corporelle de la maigreur, comme la danse classique ou la gymnastique. Ainsi, Davison ( 2002) a montré dans des études que les jeunes pratiquantes de sports à visée esthétique s’inquiétaient de leur poids dès l’âge de 5 ans, et surtout à l’âge de 7 ans. On observe également chez la plupart d’entre eux une hyperactivité intellectuelle, présente souvent avant l’apparition des premiers symptômes.

A la restriction alimentaire peuvent s’ajouter d’autres symptômes visant à apaiser l’angoisse : des besoins compulsifs de se laver, de ranger, des prises de risques, des comportements auto- agressifs (grattage frénétique de croûtes de cicatrices, de boutons, arrachage de cheveux…), ou hétéro-agressifs. L’enfant a souvent des idées tristes, voire suicidaires et une faible estime de lui-même.


[1] Le Heuzey, M-F., Les troubles du comportement alimentaire chez les 6-12 ans, www.anorexie-et-boulimie.fr, 10/2011.

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